samedi 28 janvier 2012

Comme une mère qui n’approuve pas
le choix de ses adolescents



Mon esprit se faufilait encore dans les méandres des livres, des blogues, il s’attardait dans un café virtuel d’écrivains, baignant dans ces eaux où il se sent à l’aise, souvent chez lui. Il se distançait de la petite onde de choc que mes derniers billets sur les titres anglais des romans avaient provoqué chez lui. Ce matin, après la lecture d’un article de Nathalie Petrowski dans le cahier des arts de La Presse, mon esprit s’est calmé, s'est ouvert. 

La chroniqueuse, que je considère comme étant de ma génération, avec qui je suis assez souvent d’accord, écrivait sur le premier roman du jeune (26 ans) Alexandre Soublière, Charlotte before Christ. Un des titres qui m’a hérissé le poil. (Je ne peux pas croire que je suis en train de le promouvoir en ajoutant généreusement le lien!)

Comme une mère qui n’approuve pas le choix de ses adolescents rebelles. Adolescents et rebelles , n'est-ce pas un pléonasme? En disant adolescents, on pourrait croire que je joue à la mère supérieure qui force ses petits à tenir les yeux baissés, mais finalement le mot écrit me renvoie plutôt à ma propre jeunesse. Poussée par le grand vent de renouveau culturel qui a suivi l’Exposition universelle de 1967, et la montée du féminisme, moi aussi, je refaisais le monde, moi aussi, je voulais trouver mon propre chemin. Ça m’a pris des années à ne plus être la fille de… la sœur de… J’ai encore le livre  Je me veux  dans ma bibliothèque qui témoigne de ma volonté d’être qui je suis. Je voulais me démarquer, être originale. Surtout ne pas écouter la génération précédente. 

Et puis, dans la vingtaine, une fois sur le marché du travail, une fois en âge de voter, une fois l’influence des professeurs et des amis passée, je suis devenue plus docile. Comme mes parents, j’ai rugi, j’ai ragé en lisant quelques pages seulement, sans parvenir à terminer les premiers romans de Michel Tremblay, je n’ai pas voulu suivre cette mode des sans virgules et sans points d’une Marie-Claire Blais et je n’ai rien compris aux textes des poètes de l’Hexagone, Nicole Brossard, Gaston Miron. 

Pourtant, même si je ne comprenais pas, je respectais, j’admirais, je voulais m’en inspirer, m’en réclamer, m’y identifier. En fait, j’étais encore en train de me faire, je n’avais aucune certitude encore moins d’assurance. 

J’ai dû en acquérir au fil des ans. J’ai fait des choix. 

Je ne suis donc toujours pas d’accord pour utiliser de l’anglais dans les titres de romans, parce qu’il y a longtemps, j’ai fait le pari et le choix de parler et d’écrire en français quand je parle et que j’écris en français et de parler anglais quand je dois parler anglais. Pas un mélange des deux. Mais Nathalie Petrowski m’a fait comprendre que la génération d’aujourd’hui ne cherche pas à nous tasser, mais simplement à faire leur place et pour ces jeunes nés les doigts plantés dans la technologie, l’américanisme, la mondialisation les interpellent. Le langage web a remplacé le joual. 

Comme une mère, je n’approuve pas leur choix, mais je dois les laisser vivre et prendre leurs propres décisions, trouver leur propre identité. Mon cœur de mère va donc continuer à souffrir, je le crains. Et je n'ai pas encore lu le livre, juste le titre qui me rebute!

(photo trouvée sur Google images)

mardi 24 janvier 2012

Refroidir les ardeurs


Le dernier billet a soulevé quelques réactions autant sur mon blogue que sur Facebook. J’ai eu droit à de nouveaux venus, et surtout à un message de madame Cousture. Je me sentais comme à l’école normale quand un « vrai » professeur venait nous parler de son expérience : impressionnée, mais elle a su me mettre à l’aise et nous avons parlé entre auteures. Je n’ai pas changé d’idée au sujet de cette tendance à publier des titres en tout ou en partie en anglais, tendance dangereuse selon moi. Je respecte les opinions de chacun et je vis aussi dans cette société qu'à moi seule, je ne peux décider vers où elle se dirige. 

Ce matin, je réalise que si la tête est parfois capable de tenir une argumentation pendant quelques jours, mon petit coeur fâché n’aime pas souffrir longtemps, n’aime pas les tensions et les débats, il préfère continuer à aimer lire et à aimer les humains. Aussi, je délaisse les mots pour les images pour détendre l’atmosphère et refroidir les ardeurs. Voici donc quelques photos prises le matin du 22 janvier, à moins 28 degrés Celsius.








samedi 21 janvier 2012

Titres de romans en anglais : mon petit coeur souffre


Dans Le Devoir, la liste des romans qui sortiront dans les mois qui viennent. Encore trois titres en anglais à paraître d’ici le printemps (j'ai hésité à les nommer, à les montrer pour ne pas leur faire de publicité). 
Petal's Pub, Arlette Cousture (Libre Expression)

Charlotte before Chris, Alexandre Soublière (Boréal)

Négroni on the rocks, Rafaële Germain (Libre Expression)
L’auteur est québécois, l’éditeur est québécois, les lecteurs seront québécois et même si les romans se rendent en France, le lectorat est francophone à ce que je sache. Alors c’est quoi l’affaire? Je ne comprends pas, je ne comprendrai jamais. Même une raison de mode ou de mise en marché ne me convaincront pas. 

Quand bien même j’appellerai au boycottage (un anglicisme, oui, je n’ai rien contre qu’on emprunte des mots d’une autre langue, mais quand on a déjà des mots en français… et un mot n’est pas tout un titre), ma voix n’est pas assez forte, mon nom pas assez connu pour qu’on m’entende. Et je désespère de convaincre les plus jeunes que ça ne dérange pas. Que ça ne dérange plus. Même que plusieurs aiment ça, trouvent que ça fait bien à l’oreille. Lisez l’anglais, allez voir des films en anglais, si pour vous l’original vaut mieux qu’une traduction, mais puisque le roman est en français, pourquoi un titre en anglais? 

Même Arlette Cousture! Je l’aimais tant. Si c’est l’éditeur qui l’a convaincue, je suis déçue qu’elle ne lui ait pas tenu tête. Si c’est son idée à elle… même si ça parle d’Irlande, de Grosse-Île, de Griffintown — ce qui me fait plus mal encore puisque ce sont là les lieux de mon dernier roman, Les têtes rousses (je n’ai jamais songé une seule seconde à donner un titre en anglais ou en gaélique à mon roman)—, je lui en veux encore plus. J’en pleurerais. Comme un coup de couteau en plein cœur qui me dit : « tous ces efforts que tu as fournis, pendant tant d’années, à corriger, à vouloir améliorer, à être fière d’apporter ta petite contribution, tout ça, ne compte pas, on recule, on revient à zéro, vive l’anglais! »

Que faudrait-il pour que cette pratique cesse? Quelle levée de boucliers réussirait à endiguer cette vague qui s’abat sur nos romans depuis quelques années? Quel groupe puis-je rejoindre pour crier haut et fort mon indignation, pour dire ma peine?

Ajout: j'ai lu l'article du journal de Montréal où Arlette Cousture explique son choix du titre en anglais. Elle n'a pas réussi à me faire changer d'idée ou à me convaincre de quoi que ce soit. Dans Ces enfants d'ailleurs, les personnages venaient de Pologne a-t-elle choisi un titre polonais? Non, mon coeur n'est pas rasséréné du tout. J'en veux encore plus à elle qu'aux autres parce que la déception est proportionnelle à l'amour qu'on porte (portait) à quelqu'un. Sans compter, qu'avec sa réputation, je considère qu'elle a la responsabilité de l'exemple.

vendredi 13 janvier 2012

Un dinosaure à l'ère du numérique


Je n’ai pas de liseuse, je n’ai pas encore acheté de livre numérique, je m’attarde dans les bons vieux livres imprimés et publiés chez des éditeurs reconnus. Pourtant, je connais l’auto-édition depuis belle lurette. Bien avant qu’on en parle en mal, bien avant que l’impression numérique permette de petits tirages ou que le livre numérique attire l’auteur qui veut à tout prix publier sans vivre les longues étapes de l’édition traditionnelle. 

En 1979, mon père fondait les Éditions de la Petite-Nation. Ce qui lui a permis de mettre son expérience à profit et en plus des quatre ou cinq livres d’auteurs de l’Outaouais, il pouvait publier les livres qu’il écrivait et qui étaient refusés par les éditeurs. Le premier portait sur l’histoire de la Petite-Nation, celle de la seigneurie de Louis-Joseph-Papineau, du manoir du célèbre député. Pendant des semaines, des mois, il avait faisait des recherches au Manoir, au Château Montebello, au chef-lieu du comté. 

Les Éditions étaient une histoire de famille : mon père écrivait, ma mère corrigeait et tapait sur une énorme photocomposeuse, je cirais les longues épreuves en galés et je montais le livre sur des feuilles à carreaux bleus non reproduisibles (on disait non-repro). Nous faisions imprimer. Mon père préparait un article pour l’hebdomadaire local, y joignait un bon de commande. Mon frère s’occupait de l’administration. 

Quand les livres furent épuisés, mon père fit une mise à jour, des ajouts autant de textes que de photos, surtout au sujet du Château Montebello construit en 1930. En 2003, une troisième édition voyait le jour et s’ajoutait également une version légèrement différente, en anglais, qui raconte surtout la vie du Seignory Club

Même quand les Éditions de la Petite-Nation ont cessé leurs activités, mon père et moi avons continué de faire imprimer ce livre qui changeait de titre chaque fois. Il y eut donc Le manoir Louis-Joseph-Papineau, Rêves et splendeurs, La fascinante histoire du Château Montebello et La fascinante histoire du Fairmont Château Montebello, Les Seigneurs du ChâteauDreams in a Castle. Après 1980, les techniques ont évolué, j’ai numérisé toutes les photos, j’ai monté les deux versions, française et anglaise, avec mon bon vieux logiciel PageMaker qui date de Mathusalem, mais que je connais comme le fond de ma poche et comme il me permet d’exporter en fichier pdf, je n’ai pas l’air trop dinosaure. 

Mon père est décédé en 2006, mais ces deux livres lui survivent. C’est donc en auto-édition que je m’en occupe : toutes les dépenses, toutes les étapes, sauf l’imprimerie, mais tous les revenus. Certains jours, je n’ai pas l’air d’écrire, on me demande à quoi je travaille, eh bien ces temps-ci, sur ces deux montages : nouvelles couvertures, nouveau graphisme, un autre ISBN, mise à jour des événements qui sont survenus depuis la dernière édition. 

Ainsi, je demeure dans le monde du livre, même si ce n’est pas dans celui de l’écriture. Les deux livres seront prêts pour la Saint-Valentin et je pourrai aller porter les livres tout frais sortis de l’imprimerie dans la seule boutique qui me les prend tous : celle du Fairmont Château Montebello. 

Et qui sait si un jour, ce n’est pas par ces livres que j’entrerai dans l’ère du numérique. Ce serait grâce à mon père qui, pourtant, n’a jamais été capable d’utiliser un ordinateur! 

(illustrations: en primeur, les deux prochaines couvertures des livres auto-édités)

jeudi 5 janvier 2012

Lectures hommes femmes


Pendant les fêtes, j’ai lu, entre autres, L’homme blanc de Perrine Leblanc : auteure féminin, personnage masculin. J’ai également lu Tarmac de Nicolas Dickner : auteur masculin, personnages féminins. 
Dans les deux cas, point de sentiments, pas d’épanchements, et l’histoire d’amour, s’il y en a, est écrite entre les lignes, de sorte que, personnellement, je ne me suis pas vraiment attachée aux personnages. Ce qui n’enlève rien à la force et à la valeur des romans qui résident surtout dans le choix et le traitement du sujet ainsi que du style très moderne, avec vocabulaire élaboré sans être affecté. 

Ce qui m’amène quand même à une question, déjà maintes fois posée par bien d’autres écrivains avant moi : y a-t-il des livres pour les hommes et d’autres pour les femmes? Question qui en entraîne plusieurs autres : les femmes peuvent-elles écrire pour les hommes et vice-versa? À celle-ci, en regardant mes lectures et celles des hommes qui m’entourent, je dirais que oui, mais il est vrai que dans certains cas, il y a des auteurs que je ne lis qu’occasionnellement (Ken Follet, Tom Clancy, Louis Hamelin) alors que je n’ai jamais vu mon frère lire Nancy Huston ou Marie Cardinal. Je n’irais pas jusqu’à dire que je refuse un John Grisham sous le seul prétexte que c’est un homme et que ses personnages principaux sont souvent des hommes. Autre question soulevée : est-ce que j’écris pour les hommes ou pour les femmes? Je n’ai pas encore eu d’écho d’hommes qui ont lu mes Têtes rousses. En revanche, deux femmes m’ont félicitée pour mes personnages masculins bien rendus, bien campés. Sans le savoir, aurais-je suivi les quelques conseils donnés sur ce site français>>> ?

Je me rappelle une anecdote : quand mon père a écrit un roman (était-ce Eurydice, je ne saurais dire), il l’avait présenté, sous un pseudonyme, au Prix Molson. Il a appris par la suite qu’il ne l’avait pas remporté parce que ça faisait deux années de suite que le prix était décerné à une femme et comme le jury était convaincu que l’auteur du manuscrit était encore une femme, à cause justement du personnage féminin principal, le prix lui a échappé. Il s’est rattrapé par la suite, mais tout de même, c’est pour dire! 

Je ne tiens pas à rédiger une analyse universitaire ni même élaborer une théorie sur ce sujet, je me borne donc à vous renvoyer la balle : et vous, qu'en pensez-vous? que lisez-vous? Avez-vous l'impression d'écrire plus pour des lecteurs ou des lectrices?

(Illustrations des couvertures empruntées aux sites des éditeurs respectifs)

dimanche 1 janvier 2012

À vous, à nous!

Triste constat : je n’ai pas l’enthousiasme facile. Par contre, du genre caméléon, je prends l’humeur des autres. Ce matin, les bilans, les souhaits d’autres blogueurs et blogueuses me montrent le chemin de la bonne humeur. Quoi de plus agréable que d’être désirée : le Castor déplumé et Lucille des Chroniques décontractées veulent me voir au Salon de Rouyn en mai prochain. En 2011, j’ai rencontré Sylvie Gaydos pour la première fois. Aux Correspondances d'Eastman, en 2010, j'ai pu converser un peu avec Venise du Passe-mot. Au Salon du livre de l'Outaouais, j'ai réussi à placer un mot ou deux avec la volubile et intéressante Élisabeth. Quant à Pierre H. Charron et sa conjointe Chantale, ils me relancent depuis le début de mon blogue et viennent me voir jusqu’à Ripon, ce n’est pas rien, ça fait plaisir chaque fois. Et si je n’ai pas vu de visu  Gen, Isa, Audry, Prospéryne, (et quelques autres, des Isabelle, Francine, Suzanne, Julie, Ruth) j’ai grand plaisir à les retrouver chaque fois dans leurs blogues ou leurs commentaires. 

Alors à tous vous autres, devenus si importants pour moi, dont je guette les mots, les billets et les écrits comme le Petit Prince attendait sa rose et son renard, et comme vous savez que j’aime la généalogie (et non pas parce que je pourrais être votre Mémé, quoiqu'en pense Gen, surtout pas), même si ce n’est pas tellement cette passion que nous partageons, je vous laisse sur cette chanson, ne serait-ce que parce qu’elle se termine par...


 « car ce soir, nous allons danser! » 

Donc, réjouissons-nous, enthousiasmons-nous, levons nos verres à la nouvelle année et à tout ce que nous partagerons encore virtuellement ou de vive voix en 2012.