vendredi 27 décembre 2013

Chronologie d’un roman annoncé

Un matin de frimas comme un autre, quelques jours après Noël, où aucune obligation n’est prévue, où la météo clémente permet congé de pelletage et promesse de promenade en raquettes, l’auteure en attente de rien se promène sur Facebook et lit : «Bon... c'est le grand jour. J'ouvre Word et je me lance dans roman no 3» d’une romancière dont vous suivez avec bonheur les messages d’autant que son premier roman est sorti en même temps que le vôtre, sauf qu’elle, elle en lancera un autre en janvier 2014 tandis que votre manuscrit est à peine à ses premières corrections chez votre meilleure amie. Vous vous dites : « Est-ce que je me lance moi aussi dans le tome 3? Même si le tome 2 n’est pas encore publié? »

Dans la matinée, vous envoyez un petit mot à cette amie, comme ça, sans arrière-pensée, juré-craché, juste pour un petit bonjour. Elle répond qu’elle a terminé la lecture de votre manuscrit, il lui reste quelques notes à rédiger. Elle ajoute qu’elle aime et ceci et cela et vous parle justement de la fin ouverte et vous demande donc s’il y aura suite. Euh ! C’est que la suite, c’est rendu à votre génération, à votre époque, et donc des personnages qui s’inspireront sans doute de gens vivants. Aghhh ! petite panique. 

Pendant ce temps, une autre amie, artiste peintre et grande créatrice de paysages, termine la lecture de Yukonnaise de Mylène Gilbert-Dumas. À votre suggestion d’ailleurs. Elle a beaucoup aimé, elle s’est identifiée au personnage. Elle qui aime tellement le bois, la nature, aurait voulu être un homme, un bûcheron, un planteur d’arbres vous lance comme chaque fois qu’elle vous parle du dernier livre lu : «j’ai une idée de roman !»

Comme il est l’heure de chausser les raquettes, vous l’invitez à vous suivre et développer son idée. D’un mot à l’autre, d’une suggestion à l’autre, vos voix montent, vos yeux s’illuminent, sa loquacité vous démusèle la cervelle, vous l’avertissez que tout ce qu’elle dit sera retenu contre elle. 

Après une heure dans les bois où elle a pris quelques photos qui lui inspireront la lumière de son prochain tableau, vous, de votre côté, vous avez non seulement l’idée, le fil conducteur, mais aussi le titre et le prénom et surnom du personnage principal.

C’est la joie.

Au retour, alors que le soleil se couche, un fichier Excel est ouvert pour la chronologie des événements et les traits physiques de vos personnages. Un cahier, à peine utilisé, est retrouvé, votre stylo numérique rechargé. Vous êtes prête. 2014 n’a qu’à bien se tenir : le tome 2 sera publié et le tome 3 écrit. C’est dit !

(photo de l'auteure, un jour d'hiver, fin décembre 2013)

Marcher en forêt sans trop de balises

J’ai souvent lu que l’auteur doit faire confiance à l’intelligence du lecteur.

Dans les blogues ou articles de journaux où il est question de La marche en forêt de Catherine Leroux, tout le monde a changé les difficultés à se retrouver dans les noms par des qualités de structure, une originalité, une étape obligée qui renforcent la beauté de l’œuvre. Peut-être parce que j’ai la version numérique et que l’arbre généalogique du début est complètement illisible donc je ne pouvais guère m’y référer, même imprimé, j'ai donc trébuché souvent sur les racines avant de poursuivre cette longue marche.

Je suis une lectrice moyenne, et normalement patiente surtout quand le texte m’intéresse, il m’arrive souvent de lâcher en cours de route, mais là… j’ai ramé. Fort, contre un vent d’exaspération. Mes neurones s'entrecroisaient à chaque changement de personnage et encore, quand l'auteure les nommait. Moi qui me targue d’avoir un bon sens de l’orientation, j’étais perdue dans cette forêt sans balises. À relire ce qu’on a dit de ce premier roman, de ce qui s’est déjà écrit sur le deuxième que j’attends, j’ai ordonné à mon cerveau de persister. Je lui ai ordonné par la même occasion de ne pas comparer avec la ligne chronologique que j’ai adoptée — paresseusement? — pour le manuscrit dont je viens à peine de terminer l’écriture. Ne pas non plus penser à mes déjà vieilles Têtes rousses qu’un éditeur m’avait recommandé de couper parce qu’il y avait trop de noms, j'aurais tant aimé qu'il me conseille plutôt une autre structure. Ce n’est pas tant la «critique» qui m’a fait insister, mais le récit lui-même, le ton, le style, l’histoire me disaient de continuer. J’ai donc sorti papier et crayon et j’ai écrit les noms des personnages indiqués dans l’arbre généalogique de la page 4, comme on fait l'effort de chercher dans le dictionnaire les mots dont on ignore la signification... essentielle à la compréhension du roman.

Et puis, sur ma liseuse, est arrivé Ristigouche, réservé quelques semaines plus tôt. Un court, très court, roman d’Éric Plamondon. Trop curieuse, j’ai voulu au moins voir. J’étais faite comme on dit. Trente et une pages en numérique, ça se lit le temps de le dire. D’autant que j’étais justement à Ristigouche pas plus tard que l’été dernier. J'ai passé deux heures au lieu historique de la bataille où la Nouvelle-France aurait pu devenir Nouvelle-Angleterre si le nom n’était pas déjà pris. Enfin, je pense, pas le goût de vérifier. Pour dire qu’on a perdu. Pour dire que l’auteur a décidé de planter son décor au fin fond de cette baie des Chaleurs, quand elle n’est plus baie, mais début de rivière. 

Je n’ai pu m’empêcher de remarquer que c’était un peu construit comme le livre que j’avais mis de côté: La marche en forêt. Par petites touches, lui aussi. Passant de la bataille de 1760 à la mort de sa mère, à sa pêche au poisson. Changement de temps et de personnages. Sauf qu’on s’y retrouve dans son récit et ce n’est pas parce qu’il est plus court, c’est probablement parce qu’il n’y a que deux personnages : sa mère, lui et le troisième serait la bataille, si on veut. Donc un Il et un Elle. 

Un petit roman — ou une longue nouvelle— qui m’a redonné confiance en ma faculté de comprendre un récit rédigé autrement que dans une forme classique et donc chronologique. Je suis ipso facto retournée à Catherine Leroux et cette fois, feuille en main (qui hélas ne se glisse pas entre les pages du roman numérique !), j’ai vraiment apprécié ma lecture. J’ai hâte de lire son prochain : Le mur mitoyen.

mercredi 18 décembre 2013

Tout simplement la vie


Dans une semaine Noël
Dans deux, le jour de l’An
L’an dernier aussi
L’an prochain, encore, j’espère

Quoi de neuf depuis l’an dernier? Une création artistique? Une réalisation remarquable? Un nouveau-né dans la famille? Un être cher disparu? Temps de réjouissance ou de tristesse ou les deux? 

Tant de temps et si peu à la fois. Du chaud et du froid, du soleil et de la pluie, des tempêtes et des accalmies, des rires et des larmes, des maux et du bien-être, des amours et des déceptions, du bruit de foule et du silence de nature. La vie. 

Pour les fêtes qui viennent, je vous souhaite donc cette vie à la mesure de vos attentes.

(photo en face de chez moi)

vendredi 13 décembre 2013

À défaut d'ambition... de l'entêtement

Dany Laferrière vient d’être élu à l’Académie française. Sentiment mitigé, j’aurai toujours de la difficulté avec les honneurs, les titres, les prix. Mon enthousiasme est de la couleur de mon opinion presque neutre sur le sujet de la gloire et de l'ambition. Je n’ai jamais été à l’aise face à la compétition, je n’aime pas comment je me sens à l’intérieur, à batailler pour recevoir un prix ou, à l’opposé, à recevoir un titre sans l’avoir mérité. Mais qu’est-ce que le mérite? Qui en juge? Parce que je ne suis pas une batailleuse ou ambitieuse, je ne supporterais pas que les autres le soient? Parce que ça sonne faux? À défaut de comprendre ce manque d’élan spontané devant les bonheurs des autres, je jouerai quand même la carte de l’admiration pour leur détermination.

Mon écriture se ressent-elle de cette absence de combativité ? 
Journée de doutes, journée de corrections, journée de ras-le-bol. Encore.
Pourquoi continuer à corriger ce roman qui n’en est pas encore un alors que tant de jeunes veulent publier? Pourquoi je ne laisse pas ma place? Comme Janette qui s’incruste, mais elle a au moins le mérite d’être dans les A,B ou C des vedettes qui ont encore la cote. Ai-je été L ou même Z dans ma vie? Peu importe. 

Pourquoi je m’obstine à vouloir publier? Ou penser que si j’avais un agent…
Me contenter d’aider les autres ne me suffit pas? Me sens à nouveau pathétique à ne pas décrocher.
Pourquoi ne pas me contenter de lire, de voyager, de prendre des photos et d’en parler si je tiens tant à écrire?

Bien sûr, je n’écris pas comme une jeune de trente ans, pas comme une jeune qui sort d’un cours de création littéraire, mais est-ce incompatible avec la publication québécoise actuelle? J’espère bien que non, parce qu’après la lecture par deux cinquantenaires qui me donneront leur avis, mon manuscrit prendra le chemin des éditeurs. Les éditeurs, comme certains galeristes avec les artistes, ne publient-ils que des jeunes qui peuvent leur assurer une certaine pérennité? À moins que l’auteur-e soit connu-e, alors dans ce cas, l’âge devient expérience, et leur notoriété, gage de succès. Je ne suis pas connue et je n’ai plus trente ans depuis longtemps. Il faut juste travailler plus fort. Pour quelqu’un qui n’est pas combatif, le temps va être long !

Peut-être pas combative, peut-être un peu paresseuse, mais patiente, résolue, têtue, alors ça devrait aller.
Journée de questions sans réponses, journée de remontée, journée d’encouragement.

(photo de l'auteure, en espérant que ce soit des lamas et non des alpagas ou qu'à tout le moins les deux races soient têtues!)

lundi 2 décembre 2013

Entre les pages de Yukonnaise

Combien de temps pouvez-vous lire — un livre dois-je préciser et non un article de journal, un commentaire sur Facebook, ou un billet de blogue —, sans vous lever? Pour un café, pour répondre au téléphone, pour une brassée de lavage?  Dans mon cas, tout au plus une heure.

Deuxième question : combien de temps pouvez-vous lire, sans avoir envie d’écrire parce que le texte lu vous souffle une idée pour votre propre roman, de commenter ou de noter une phrase qui vous touche particulièrement, d’aller voir dans un Atlas ou sur Google maps où est telle ville décrite par l’auteur (e)?
Pire encore, résistez-vous à l’envie de mieux connaître l’auteur(e), de lire sa biographie, de voir si il ou elle a écrit d’autres livres? Et ce qu’on en dit?

Voici mes réponses en ce qui concerne le roman Yukonnaise de Mylène Gilbert-Dumas avec qui je suis déjà « amie » sur Facebook, de qui je lis régulièrement le blogue qu’elle écrit avec son âme sœur Elisabeth Tremblay:

Déjà à la page 8, je m'attarde longuement à la carte et je repère les campings où je pourrais séjourner.

À la page 12, j’ai voulu savoir si le Baked Café de Whitehorse existait vraiment. Sans me lever, j’ai étendu le bras, j’ai pris ma tablette et j’ai cherché. Eh oui ! Me suis levée tout de même, me me suis fait un café et je suis retournée à ma lecture.

À la page 53, j’ai examiné la carte fournie au début du livre pour trouver Carmacks, comme ce nom n’y était pas, retour à la tablette et dans Google maps , j’ai vu que le hameau s’est développé autour du Yukon river, ça doit être beau.

À la page 74, j’ai voulu aller voir si la maison de Maureen existait, j’ai plutôt bifurqué vers le Burton House writers retreat où l’auteure a séjourné trois mois, avais-je lu à la fin du livre. Oui, je lis souvent les remerciements et même l’épilogue avant même de commencer le roman. Dans Google images, je suis un peu déçue de la maison, sans vouloir une maison de bois rond comme au Québec, j’aurais aimé une maison de bois rond… comme les camps de chasse du Québec !

À la page 115, je me demande bien pourquoi il n’y a pas un vol Edmonton – Whitehorse, ce serait moins long que Vancouver - Whiterhorse, me semble. Je pense sérieusement à me rendre au Yukon l’été prochain — non, non, pas en hiver comme l’auteure, alors les détails techniques, comme les temps de vol, m’intéressent et me font rêver.

À la page 149, j’ai senti le besoin de savoir jusqu’à quel point le personnage secondaire, la narratrice, se confondait avec l’auteure. J’ai visionné l’entrevue de l’auteure accordée en 2012. Je ne sais pas si c’est là, mais j’ai appris qu’il y avait eu 82 demandes pour aller écrire dans ce fin fond du Canada et de plus, Mylène Gilbert-Dumas a demandé l’hiver. Pas notre hiver à moins 20 certains matins, mais à moins 20 le jour et plutôt moins 40 et moins 50 la nuit, cette nuit qui dure tout le jour ! Fallait-il ce sacrifice pour obtenir un roman aussi réaliste et aussi bien documenté?

À la page 162, liste de noms, je veux tout voir sur une carte. Je trouve que, mine de ne pas s’y attarder, elle décrit simplement les lieux. Ce qui me fait penser que je devrais peut-être ajouter quelques descriptions dans mon manuscrit en cours. Devrais-je me rendre à Varennes comme Mylène a fait la route Whitehorse - Dawson?

À la page 204, je me suis rappelé que le livre devra faire l’objet d’un film. Je veux aller voir le Yukon avant que le film sorte. Certes, je ne verrai pas le Yukon des froids de janvier, des aurores boréales, mais j’espère voir au moins le fleuve, des maisons colorées et des cabanes de bois, les montages ocre, les fleurs rabougries.

photo empruntée à ce site>>>
À la page 242, j’ai voulu savoir si la photographe existait vraiment, je voulais voir ses photos, surtout celles prises en hiver sachant que je ne m’aventurerai pas au pays des caribous, sur la route Dempster. L’auteure me confirme que oui, elle s’appelle Romy Jansen et me fournit ce lien que je m’empresse d’aller voir. D’où la photo pour ce billet.

J’ai enfilé les cent dernières pages, mon esprit me laissait enfin tranquille. À la page 350, je suis revenue à la page 18 pour une vérification : quelle bonne idée. Un tour de force qui dénote un talent d’écrivaine aguerrie et expérimentée.

J’avais aimé L'escapade de Sophie Parent, mais la lecture ne m’avait pas donné envie de partir pour le Mexique, mais cette fois, oh ! que oui, je veux voir le Yukon. Peut-être, finalement, ai-je lu Yukonnaise parce que je savais aller au Yukon l’été prochain? Peu importe, j'ai quand même aimé le roman non seulement pour les lieux choisis mais bien plus pour l’histoire intéressante qui s’y déroule. L’auteure réussit à merveille à brosser un portrait nuancé de son héroïne. Ne tombe jamais dans le sentimentalisme niais. Une progression intelligente. Bien plus, c’est toute une région qu’elle nous fait connaître, nous fait aimer à travers les gens qui y vivent. Au passage, j’ai reconnu des comportements à la Émilie Bordeleau à qui l’auteure fait un clin d’œil, et aussi des tempéraments madelinots quand les gens ne combattent plus ni le froid ni le vent, et prenne le temps de goûter la liberté.
Enfin, bref, j’ai adoré.

Liens:
Entrevue de l'auteure en 2012>>>
Emprunt de la couverture sur le site de l’éditeur>>>
Blogue de l’auteure et son âme sœur>>>